Utiliser le démembrement de propriété pour faciliter la transmission d’entreprise

La propriété d’un bien, qu’il s’agisse d’un immeuble, d’un fonds de commerce, de parts sociales ou d’actions, peut être dissociée en deux droits distincts : la nue-propriété et l’usufruit. Le chef d’entreprise propriétaire peut ainsi transférer chacun de ces droits à des personnes différentes ou conserver l’un et transmettre l’autre par voie de donation ou de cession au profit de ses proches ou d’un tiers. Cette flexibilité permet de mettre en place des stratégies de transmission de l’entreprise adaptées à divers objectifs, tels que la transmission par étapes, la répartition entre plusieurs héritiers ou la réduction des coûts fiscaux. 

 

I) Cadre juridique et fiscal du démembrement de propriété

 

A) Faculté de dissociation du droit de propriété 

 

La propriété est définie comme le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, à condition de ne pas en faire un usage prohibé par la loi (C. civ. art. 544). Ce droit confère trois prérogatives distinctes : 

– Usus : le droit d’utiliser le bien. 

– Fructus : le droit d’en percevoir les fruits (revenus). 

– Abusus : le droit d’en disposer (le vendre ou le modifier). 

 

Ces prérogatives peuvent être dissociées entre plusieurs personnes, créant ainsi un démembrement de propriété. 

 

Usufruit et nue-propriété 

L’usufruit confère le droit de jouir d’un bien dont un autre à la propriété, mais à condition d’en conserver la substance (C. civ. art. 578). L’usufruitier peut donc utiliser le bien et en percevoir les revenus, mais ne peut pas le céder sans l’accord du nu-propriétaire, qui conserve la vocation à devenir plein propriétaire au terme de l’usufruit. 

 

Quasi-usufruit 

Le quasi-usufruit s’applique aux biens consomptibles par usage (comme une somme d’argent), permettant à l’usufruitier de disposer du bien, à charge de le restituer en nature ou en valeur à la fin de l’usufruit (C. civ. art. 587). Bien que controversée pour certains types de biens, cette forme de démembrement a été acceptée par la jurisprudence pour des biens non consomptibles par leur nature, sous certaines conditions. 

 

Durée du démembrement de propriété 

Le démembrement est généralement temporaire, avec l’usufruit se terminant à la mort de l’usufruitier pour une personne physique ou après trente ans pour une personne morale (C. civ. art. 617 et 619). Cette durée peut être plus courte ou fixée pour un terme précis sans prolonger au-delà de la vie de l’usufruitier. 

 

Origine du démembrement de propriété 

Le démembrement peut être imposé par la loi, comme dans les cas de divorce ou de succession ab intestat, ou résulté de la volonté des parties via des contrats de vente, donation, succession, ou apport en société. 

 

B) Réserve d’usufruit et de quasi-usufruit dans les donations

 

Lorsqu’un donateur réserve l’usufruit d’un bien donné, il peut organiser la transmission anticipée de son patrimoine tout en conservant la jouissance et les revenus du bien donné. Cette technique est couramment utilisée dans les donations entre parents et enfants et présente des avantages fiscaux significatifs. 

La donation avec réserve d’usufruit permet de : 

– Transmettre le patrimoine en conservant l’usage et les revenus du bien. 

– Bénéficier d’un régime fiscal avantageux, avec les droits de donation calculés sur la seule valeur de la nue-propriété. 

 

Régime fiscal de la donation avec réserve d’usufruit 

Les droits de donation sont calculés sur la valeur de la nue-propriété, réduisant ainsi l’assiette des droits à payer. À l’extinction de l’usufruit au décès du donateur, la pleine propriété se reconstitue en franchise d’impôt, sauf exceptions prévues par la loi. 

Il est fréquent de stipuler un usufruit successif au profit du conjoint survivant dans les donations avec réserve d’usufruit. Cette réversion permet au conjoint de bénéficier du droit de jouissance viager sur le bien donné au décès du donateur. 

 

II) Utilisation pratique du démembrement

 

A) Stratégies de transmission

 

Le démembrement permet d’envisager diverses stratégies de transmission, telles que : 

– Transmission par étapes : transférer la nue-propriété immédiatement tout en conservant l’usufruit jusqu’à une date ultérieure. 

– Transmission à plusieurs héritiers : répartir la nue-propriété entre plusieurs bénéficiaires tout en conservant un usufruit global. 

– Réduction des coûts fiscaux : profiter de la réduction de l’assiette imposable en transmettant la nue-propriété, avec une imposition réduite sur la valeur transmise. 

 

B) Utilisation du quasi-usufruit

 

Le quasi-usufruit peut être utilisé pour des biens consomptibles ou, sous certaines conditions, pour des biens non consomptibles comme des titres sociaux. Cette technique permet à l’usufruitier de disposer librement du bien, avec l’obligation de restituer une valeur équivalente à la fin de l’usufruit. 

 

Le démembrement de propriété constitue une technique efficace pour faciliter la transmission d’une entreprise, en offrant une flexibilité dans la répartition des droits et en optimisant la charge fiscale. En s’entourant de conseillers spécialisés, tels que des avocats, des notaires et des experts-comptables, le chef d’entreprise peut mettre en place des stratégies de transmission adaptées à ses objectifs personnels et familiaux, tout en sécurisant le processus sur les plans juridique et fiscal. 

Les commissaires aux comptes jouent également un rôle crucial dans ce processus. Ils sont responsables de vérifier la conformité des comptes et des informations financières de l’entreprise, assurant ainsi la transparence et la fiabilité des données nécessaires pour une transmission réussie. Leur intervention permet de détecter et de corriger les éventuelles anomalies comptables et financières en amont, renforçant ainsi la confiance des parties prenantes et facilitant la négociation et la conclusion de la transmission de l’entreprise. 

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