Instauré par l’article 177 de la loi Pacte du 22 mai 2019, le fonds de pérennité est un nouveau véhicule de détention et de transmission de titres de société, inspiré des fondations actionnaires populaires en Europe du Nord. Ce dispositif vise à stabiliser l’actionnariat, pérenniser les entreprises et intégrer une dimension philanthropique dans la transmission d’entreprise.
I) Recours au fonds de pérennité pour la transmission d’entreprise
A) Intérêt du fonds de pérennité
Le fonds de pérennité, par sa structure, permet de stabiliser l’actionnariat de l’entreprise. Les titres apportés au fonds le sont de manière irrévocable et inaliénable, faisant du fonds un actionnaire inamovible. Cela protège l’entreprise des prises de contrôle hostiles et évite la dispersion du capital entre plusieurs héritiers, réduisant ainsi les risques d’indivision et de blocage au fil des générations.
Le fonds de pérennité peut également être intégré dans le dispositif Dutreil-transmission, facilitant le respect des engagements collectifs de conservation des titres sur plusieurs générations. Les commissaires aux comptes jouent un rôle essentiel dans la vérification de ces engagements, garantissant la conformité et la stabilité de l’actionnariat.
Pérennisation de l’entreprise
Le fonds de pérennité a pour objectif principal de contribuer à la pérennité économique des sociétés qu’il détient. Contrairement aux fonds d’investissement classiques, le fonds de pérennité agit sur le long terme, assurant la continuité des valeurs et principes du dirigeant. En cas de difficulté à trouver un successeur, le fonds permet de préserver l’entreprise, même en l’absence d’héritiers ou d’acquéreurs appropriés.
Le dirigeant-cédant peut également maintenir une certaine influence sur l’entreprise en assurant la gouvernance du fonds, facilitant ainsi un désengagement progressif et sécurisé.
Le fonds de pérennité permet d’associer une logique économique à une dimension philanthropique. En intégrant des missions d’intérêt général, financées par les dividendes de l’entreprise, le fonds crée un cercle vertueux : la croissance de l’entreprise alimente des projets philanthropiques, renforçant ainsi la responsabilité sociale de l’entreprise.
Cependant, cette dimension philanthropique, bien que bénéfique, reste facultative. Pour les dirigeants motivés principalement par des objectifs philanthropiques, d’autres véhicules comme la fondation reconnue d’utilité publique ou le fonds de dotation peuvent offrir des avantages fiscaux plus significatifs.
II) Obstacles et solutions pour l’utilisation du fonds de pérennité
A) Freins fiscaux et risques de transmission
Malgré ses avantages, le fonds de pérennité connaît une adoption limitée en raison de la fiscalité peu attractive qui lui est applicable. Les coûts fiscaux élevés lors de la constitution et de la liquidation du fonds peuvent dissuader les dirigeants d’y recourir. Le régime fiscal moins favorable par rapport aux fondations actionnaires et aux fonds de dotation limite également son attrait.
L’apport gratuit et irrévocable au fonds de pérennité se heurte à la réserve héréditaire, posant des défis juridiques. Pour sécuriser l’apport, plusieurs techniques peuvent être utilisées :
- Renonciation anticipée à l’action en réduction : Permet de s’assurer que le fonds de pérennité n’aura pas à indemniser les héritiers réservataires. Cette solution nécessite l’accord de tous les héritiers réservataires, ce qui peut être complexe en présence d’enfants mineurs ou de majeurs sous tutelle.
- Donation-Partage : Cette méthode permet de cristalliser la valeur des biens donnés, minimisant les risques de réduction. Les titres de sociétés peuvent être attribués au fonds de pérennité, qui devient un tiers copartagé.
- Aménagement de l’ordre et/ou du secteur d’imputation des libéralités : En ajustant l’ordre d’imputation des libéralités, il est possible de réduire les risques de réduction. Par exemple, privilégier les libéralités entre vifs ou prévoir une imputation prioritaire des legs au fonds de pérennité.
- Recours à l’Assurance-Vie : Instituer le fonds de pérennité bénéficiaire d’une assurance-vie permet de disposer de liquidités pour indemniser les héritiers réservataires sans compromettre les titres nécessaires à la mission du fonds.
B) Comparaison avec d’autres véhicules philanthropiques
Les fondations actionnaires et les fonds de dotation offrent des alternatives intéressantes au fonds de pérennité. La fondation reconnue d’utilité publique, par exemple, bénéficie d’un régime fiscal très favorable et permet de préserver le capital tout en satisfaisant une volonté philanthropique.
Les fonds de dotation, plus flexibles et faciles à créer, sont également attractifs pour les dirigeants souhaitant s’engager dans des activités d’intérêt général. Ils permettent des opérations de donation avant cession, optimisant la transmission d’entreprise sur le plan fiscal. Cependant, ils sont contraints par le principe de spécialité, limitant leur capacité à s’immiscer dans la gestion des sociétés.
Les commissaires aux comptes, en analysant les avantages et les contraintes de chaque véhicule, peuvent guider les dirigeants dans le choix du dispositif le plus adapté à leurs objectifs.
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Le fonds de pérennité offre une solution innovante pour la transmission d’entreprise, combinant stabilité de l’actionnariat, pérennisation de l’entreprise et action philanthropique. Toutefois, sa fiscalité moins favorable et les risques successoraux peuvent constituer des obstacles. Les commissaires aux comptes jouent un rôle clé dans l’optimisation de ces opérations, assurant conformité et efficacité. En choisissant judicieusement entre le fonds de pérennité, la fondation actionnaire et le fonds de dotation, les dirigeants peuvent maximiser les avantages de la transmission de leur entreprise tout en répondant à leurs aspirations philanthropiques.