Les restructurations au sein des groupes d’entreprises, telles que les fusions, les scissions ou les prises de contrôle, constituent des moments clés qui peuvent modifier profondément la structure fiscale et opérationnelle d’un groupe. Ces changements sont souvent motivés par des nécessités économiques et financières, mais ils nécessitent une approche prudente en raison des règles fiscales complexes et des implications potentielles sur le régime d’intégration fiscale du groupe.
Lorsqu’une société mère est absorbée, scindée, ou fait l’objet d’une prise de contrôle, cela entraîne généralement la fin de l’application du régime de groupe pour l’ensemble des entités concernées dès le début de l’exercice fiscal dans lequel ces événements se produisent. Cependant, le législateur a prévu des exceptions permettant, sous certaines conditions, la continuation de l’application de ce régime. Par exemple, des opérations spécifiques comme les scissions partielles, où des titres sont attribués aux actionnaires sans entraîner la rupture du régime de groupe, montrent la flexibilité offerte par le Code Général des Impôts, notamment à travers les dispositions spécifiques des articles 223 L et 223 S.
De plus, la législation fiscale offre des solutions pour maintenir l’intégration fiscale même en cas de changements indirects dans le contrôle des sociétés. Si une société intégrée est reprise par une autre entité agissant comme nouvelle société mère via une société établie à l’étranger, elle peut immédiatement rejoindre le groupe de la société contrôlante, facilitant ainsi la transition d’un groupe vertical à un groupe horizontal et inversement.
Ces dispositifs légaux sont essentiels pour assurer la continuité des opérations et la stabilité fiscale au sein des groupes, même face à des transformations majeures qui pourraient autrement entraîner des conséquences fiscales lourdes et une réorganisation complexe.
I) Mesures principales
Lors de restructurations importantes telles que l’absorption, la scission, ou la prise de contrôle de la société mère d’un groupe, ainsi que dans les cas de scission partielle, le droit fiscal français a mis en place des dispositifs spécifiques pour éviter toute interruption dans l’application du régime d’intégration fiscale. Ces règles sont particulièrement pertinentes dans le contexte d’une intégration horizontale impliquant une entité mère non-résidente ou une société étrangère. Le but est de maintenir la cohérence fiscale et opérationnelle des groupes, malgré les transformations structurelles.
La législation permet ainsi à une société, qui se retrouve détenue par une autre société tête de groupe via une entité étrangère, de rejoindre le nouveau groupe sans période de transition. Ces adaptations facilitent également la transformation d’un groupe vertical en groupe horizontal, et vice versa, en minimisant les perturbations administratives et opérationnelles.
Mesure principale ;
La mesure principale, énoncée dans les paragraphes c et d de l’article 223 L, 6 du Code Général des Impôts (CGI), comprend plusieurs assouplissements :
– Si la société mère est absorbée par une autre société qui, à la suite de cette fusion, répond aux critères pour être une société tête de groupe, les sociétés du groupe de la société absorbée peuvent être intégrées au nouveau groupe dès le début de l’exercice fiscal où la fusion est réalisée.
– Concernant les prises de contrôle où une entité détient au moins 95% du capital de la société mère pendant un exercice fiscal, deux scénarios sont envisagés. Si cette détention est temporaire et que le seuil de 95% n’est plus atteint à la fin de l’exercice, le groupe peut continuer à exister à condition de déclarer les détails de l’opération et ses justifications à l’administration fiscale. Si la détention persiste à la fin de l’exercice, le groupe continue d’exister jusqu’à cette date, et les sociétés peuvent choisir de faire partie du nouveau groupe formé par l’entité contrôlante dès l’exercice suivant.
L’article 223 L, 6-i du CGI offre également la possibilité aux sociétés d’un groupe, détenues via une société étrangère, de rejoindre le groupe de la société mère étrangère, facilitant ainsi la gestion fiscale transfrontalière et la restructuration internationale.
Ces dispositions légales sont conçues pour assurer une flexibilité maximale lors des restructurations, tout en préservant les avantages fiscaux de l’intégration fiscale, même dans des circonstances complexes et multinationales. Elles montrent une compréhension approfondie des dynamiques commerciales modernes et reflètent une volonté d’adapter le cadre fiscal pour soutenir la croissance et l’évolution des groupes d’entreprises.
II) Mesures d’accompagnement
Les mesures d’accompagnement définies dans la législation fiscale française visent à atténuer les conséquences fiscales potentiellement disruptives des restructurations de groupes, en particulier lorsqu’elles touchent la société mère, incluant les scénarios où la mère est une entité non-résidente ou une société étrangère. Ces mesures sont cruciales pour assurer une transition en douceur et pour maintenir l’intégrité fiscale du groupe tout au long de processus potentiellement complexes.
Pour les cas de fusions, de scissions, ou de prises de contrôle, y compris celles initiées par des sociétés étrangères, plusieurs dispositions spécifiques sont appliquées :
– Flexibilité de l’exercice fiscal : La durée du premier exercice fiscal des sociétés du nouveau groupe peut être ajustée pour être inférieure ou supérieure à douze mois. Cette flexibilité permet une meilleure adaptation aux cycles financiers des sociétés intégrées au nouveau groupe.
– Traitement des déficits et moins-values : Les déficits ou moins-values à long terme qui restent reportables à la date de la dissolution du groupe peuvent être imputés sur les réintégrations fiscales nécessaires lors de la sortie du groupe. De plus, tout déficit d’ensemble subsistant après ces imputations peut être porté en déduction dans une assiette élargie comprenant les résultats des sociétés qui demeurent au sein du nouveau groupe.
– Gestion des provisions intragroupe : Les reprises de provisions intragroupes, précédemment neutralisées pour la détermination du résultat fiscal consolidé de l’ancien groupe, peuvent, sous conditions, bénéficier de la même neutralisation dans le nouveau groupe. Cette disposition évite des impacts fiscaux défavorables résultant directement de la restructuration.
En ce qui concerne les scissions partielles de groupes :
– Gestion des exercices fiscaux : Comme pour les fusions et prises de contrôle, la durée de l’exercice fiscal des sociétés bénéficiaires de l’apport peut être ajustée.
– Transfert de déficits : Une fraction du déficit d’ensemble du groupe apporteur peut être transférée, sous agrément, au groupe bénéficiaire. Cette mesure assure que les déficits générés par le groupe initial ne soient pas perdus mais puissent être utilisés pour compenser les futurs résultats fiscaux.
– Continuité de la neutralisation des provisions : Les provisions intragroupe qui avaient été neutralisées pour la détermination du résultat d’ensemble du groupe apporteur continueront de l’être pour le groupe bénéficiaire, sous certaines conditions. Cela maintient la cohérence dans le traitement fiscal des provisions sur plusieurs périodes fiscales.
Ces mesures d’accompagnement sont essentielles pour faciliter les restructurations de groupes intégrés en minimisant les perturbations fiscales et en permettant une reconfiguration efficace du périmètre fiscal du groupe. Elles démontrent une approche législative prévoyante et adaptative, essentielle pour les entreprises opérant dans un environnement économique global et interconnecté.
–
Les restructurations d’entreprise telles que les fusions, scissions ou prises de contrôle peuvent avoir des conséquences complexes sur la fiscalité d’un groupe. Pour gérer efficacement ce processus délicat et assurer la conformité fiscale, la consultation d’un commissaire à la fusion est recommandée. Ce spécialiste apporte son expertise pour garantir une transition en douceur et préserver l’intégrité financière de l’entreprise.