Sur le plan fiscal, les opérations de scission représentent des manœuvres stratégiques complexes, souvent motivées par la recherche d’une efficacité opérationnelle, d’une spécialisation accrue, ou d’une simplification de structures d’entreprise devenues trop enchevêtrées. Toutefois, au-delà de leurs avantages stratégiques et opérationnels, ces opérations sont encadrées par des considérations fiscales spécifiques qui peuvent avoir des implications importantes sur leur viabilité et leur efficacité économique. Lorsque ces scissions ne bénéficient pas du régime spécial, leur traitement fiscal s’apparente à celui d’une cessation d’entreprise, avec des conséquences fiscales à la fois immédiates et à long terme pour les entités impliquées.
I) Situation de la société scindée
La fiscalité des scissions placées sous le régime de droit commun entraîne une imposition immédiate des bénéfices non encore taxés. Cette règle concerne non seulement les résultats d’exploitation depuis le début du dernier exercice jusqu’à la scission effective mais aussi les provisions et les plus-values réalisées à cette occasion. La logique derrière cette imposition immédiate repose sur le principe de neutralité fiscale, visant à éviter qu’une opération de restructuration serve à différer ou à échapper à l’impôt.
Plus-values et provisions
Le traitement des plus-values dans ce contexte fiscal mérite une attention particulière. Ces plus-values sont évaluées en comparant la valeur réelle des éléments d’actif au moment de la scission à leur valeur nette comptable, ce qui peut révéler des gains latents importants. Pour les éléments d’actif non amortissables acquis lors d’opérations antérieures et ayant bénéficié d’un régime spécial, la plus-value imposable est calculée sur leur valeur fiscale. Cette mesure assure que les bénéfices réalisés, même indirectement, par le biais de transactions précédentes, soient dûment taxés au moment de la scission.
Conséquences pour les sociétés bénéficiaires
Les sociétés bénéficiant des apports issus de la scission se trouvent dans une position fiscale singulière. Bien qu’exonérées de l’obligation de payer une imposition sur les éléments reçus, elles se voient priver de certains avantages fiscaux, notamment la possibilité d’amortir ces actifs à leur valeur réelle. Cette restriction peut limiter la valeur comptable des actifs reçus et, par conséquent, influencer négativement les bilans des sociétés bénéficiaires.
Autres implications fiscales
Au-delà de l’imposition immédiate des bénéfices et des plus-values, la scission sous le régime de droit commun entraîne d’autres conséquences fiscales pour la société scindée. L’incorporation immédiate des résultats en attente d’imposition et la fin de certains reports d’imposition visent à prévenir les stratégies d’évasion fiscale. En outre, des règles spécifiques s’appliquent aux moins-values et aux plus-values sur certains types de titres, soulignant la complexité de la gestion fiscale de ces opérations.
II) Situation des sociétés bénéficiaires des apports
Initialement, ces sociétés bénéficient d’une sorte de « cadeau fiscal » : elles reçoivent les apports libérés de tout impôt sur les sociétés, se plaçant ainsi dans une situation où elles auraient acquis une partie du patrimoine de la société scindée sans contrepartie fiscale directe. Cette condition pose les fondements d’une neutralité fiscale en apparence avantageuse, car elle exempte les entités bénéficiaires de toute charge immédiate liée à ces transferts d’actifs.
Les sociétés bénéficiaires n’ont pas à s’engager ni à se soumettre aux obligations qui leur auraient incombé si la scission avait profité du régime de faveur. Cette flexibilité se paie cependant au prix de la renonciation à divers avantages fiscaux qu’elles auraient pu revendiquer en tant que continuatrices de la société scindée sous un régime spécial. Cette absence d’obligations et de droits reflète un équilibre délicat entre simplification administrative et perte d’avantages fiscaux potentiels.
Traitement des éléments d’actif recueillis
Le traitement comptable et fiscal des éléments d’actif recueillis par les sociétés bénéficiaires est au cœur de l’impact fiscal de la scission. La distinction entre les opérations réalisées sous contrôle commun ou distinct influence profondément la valorisation des actifs transférés. Dans un cadre de contrôle commun, les actifs sont inscrits à leur valeur comptable, écartant la possibilité de réévaluation et d’amortissement sur la base de la valeur réelle, ce qui pourrait limiter les avantages fiscaux liés à la dépréciation des actifs.
En revanche, dans le cas de contrôles distincts et d’une scission « à l’endroit », la valorisation à la valeur réelle autorise les entités bénéficiaires à adopter un traitement comptable et fiscal qui reflète plus fidèlement la valeur économique des actifs, avec des conséquences sur l’amortissement et la dépréciation potentiellement bénéfiques pour le résultat fiscal.
Conséquences de la cession d’immobilisations
La cession ultérieure d’immobilisations acquises dans le cadre de la scission ouvre droit à une prise en compte spécifique de la valeur d’apport pour le calcul de la plus-value ou moins-value de cession, ajustée des amortissements pratiqués. Cette règle permet aux sociétés bénéficiaires d’optimiser leur résultat fiscal lors de la réalisation d’actifs, en alignant la base de calcul sur les valeurs fiscales plutôt que sur les valeurs comptables historiques.
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Au regard de la complexité intrinsèque des opérations de scission et des incidences fiscales substantielles qui en découlent, il apparaît impérieux de solliciter l’expertise d’un commissaire à la fusion. Cette démarche est dictée par la nécessité impérative d’une analyse rigoureuse et d’une interprétation éclairée des dispositions fiscales applicables. En conséquence, il est vivement recommandé aux entités envisageant une scission de mandater un commissaire à la fusion, en qualité de conseil spécialisé, pour garantir la légalité, l’efficience et la pertinence de l’opération au regard des normes fiscales applicables.