La gestion des acomptes d’impôt sur les sociétés dans le cadre des fusions d’entreprises est un enjeu majeur de la planification fiscale. Les commissaires à la fusion jouent un rôle crucial dans ce processus. Cette gestion stratégique est essentielle pour réussir la fusion en maximisant l’efficacité fiscale et en alignant les objectifs financiers avec les impératifs réglementaires.
I) Acomptes de la société absorbée
a) Calcul des acomptes avant la fusion
Selon l’article 1668, 1 du Code Général des Impôts (CGI), la société absorbée doit s’acquitter des acomptes d’impôt sur les sociétés exigibles avant la date de réalisation définitive de la fusion, indépendamment de toute date d’effet rétroactive convenue entre les parties. Cette disposition s’assure que la responsabilité fiscale de la société absorbée reste claire et inaltérée jusqu’à la fusion effective.
Toutefois, la société absorbée a la possibilité de réduire le montant de ses acomptes sous sa propre responsabilité, en s’appuyant sur les dispositions générales de l’article 1668, 4 bis du CGI. Cette flexibilité est particulièrement pertinente lorsqu’une clause de rétroactivité est intégrée au traité d’apport, permettant à la société absorbée de limiter ou d’éliminer les paiements d’acomptes supplémentaires. Il est crucial que la société absorbée soit sûre de l’aboutissement de la fusion pour éviter des pénalités en cas d’abandon ou de report du projet.
b) Traitement de l’excédent de versement
Lorsque les acomptes effectués par la société absorbée dépassent l’impôt sur les sociétés dû pour la période allant de l’ouverture de l’exercice jusqu’à la date d’effet de la fusion, cet excédent est transféré à la société absorbante. Ce mécanisme assure que les ressources financières restent au sein de l’entité fusionnée, reflétant le transfert des droits et des obligations de la société absorbée à la société absorbante.
En pratique, si l’opération de fusion est assortie d’un effet rétroactif, la totalité des acomptes versés par la société absorbée est transférée à la société absorbante. Cela simplifie la gestion fiscale post-fusion, en consolidant les responsabilités fiscales au sein de la nouvelle entité légale.
L’exemple de la société A, absorbée par la société B avec effet rétroactif, illustre comment les acomptes préalablement versés sont intégralement attribués à la société absorbante. Cela inclut les sommes acquittées par utilisation des créances fiscales de la société absorbée, assurant une transition fiscale fluide et sans entrave.
L’approche adoptée par le CGI permet d’assurer que les entreprises en fusion respectent leurs responsabilités fiscales, tout en simplifiant la transition fiscale entre les sociétés absorbée et absorbante..
II) Acomptes dus par la société absorbante
a) Base de calcul des acomptes
Selon l’article 359 de l’annexe III au Code Général des Impôts (CGI), les acomptes d’impôt sur les sociétés dus par la société absorbante durant l’exercice de la fusion sont calculés exclusivement sur la base des résultats qu’elle a elle-même générés au cours du dernier exercice clos. La fusion en elle-même n’augmente donc pas directement les acomptes à payer par la société absorbante.
Prenons l’exemple de deux sociétés, A et B, dont les résultats financiers et les dates d’acomptes sont spécifiquement mentionnés. Dans ce cas, les acomptes dus par B ne tiendront pas compte des résultats de A avant la fusion, illustrant la règle selon laquelle seul le résultat propre de la société absorbante est pertinent pour le calcul des acomptes post-fusion.
b) Impact sur le calcul des acomptes pour les grandes entreprises
Une règle spécifique s’applique lorsque la société absorbante a réalisé un chiffre d’affaires d’au moins 250 millions d’euros lors de l’exercice précédant la fusion et que la fusion est définitivement approuvée avant l’échéance du quatrième acompte. Dans un tel contexte, la société doit évaluer l’impact des résultats de la société absorbée sur son propre résultat fiscal. Si cet impact entraîne une augmentation significative du résultat estimé par rapport à l’exercice précédent, le montant du quatrième acompte sera ajusté en conséquence, en fonction de seuils définis par la loi.
L’exemple d’une entreprise A réalisant un chiffre d’affaires de 260 millions d’euros et absorbant B illustre la manière dont ces règles s’appliquent pour ajuster le montant du dernier acompte en fonction de l’augmentation du résultat estimé.
c) Modalités de limitation des versements d’acomptes
La possibilité pour la société absorbante de limiter ses versements d’acomptes, grâce à l’excédent éventuellement transféré par la société absorbée, offre une flexibilité financière importante. Cette démarche permet une gestion fiscale optimisée en fonction de l’impôt réellement dû pour l’exercice de la fusion. Le calcul de l’acompte final prendra en compte les versements préalables et l’impact des résultats fusionnés, permettant potentiellement à la société absorbante de réduire ou d’éliminer le besoin de versements supplémentaires.
Ces dispositions fiscales reflètent la volonté du législateur de faciliter les opérations de fusion en minimisant les contraintes fiscales immédiates, tout en s’assurant que l’impôt dû reflète fidèlement la réalité économique de la nouvelle entité consolidée. Elles soulignent l’importance d’une planification fiscale soignée lors de la mise en œuvre de fusions.
En synthèse, les dispositions du Code Général des Impôts offrent un cadre réglementaire précis pour le traitement des acomptes d’impôt, tant pour la société absorbée que pour la société absorbante, en veillant à ce que les obligations fiscales soient clairement définies et gérées efficacement tout au long du processus de fusion.
La distinction entre les acomptes dus par la société absorbée et ceux dus par la société absorbante, ainsi que les mécanismes permettant d’ajuster ces acomptes en fonction des résultats financiers et des transferts d’excédents, illustrent la complexité de la fiscalité des fusions.
Face à cette complexité et aux enjeux financiers considérables, l’intervention de commissaires à la fusion devient indispensable. Ces experts, grâce à leur connaissance approfondie du droit fiscal et de la réglementation en matière de fusions et acquisitions, jouent un rôle crucial dans l’audit, la planification et la mise en œuvre des stratégies fiscales adaptées.