I. Spécificités du secteur assurance
A) Aspects économique généraux
Au cœur du secteur de l’assurance, le contrat lui-même représente l’engagement essentiel de l’assureur envers le souscripteur : la promesse de verser un bien spécifique en cas d’événement incertain, moyennant une somme convenue.
Ce qui singularise particulièrement ce domaine, c’est l’inversion fréquente du cycle économique habituel : dans l’assurance, les recettes précèdent souvent les dépenses pour un même contrat.
La gestion des compagnies d’assurances repose sur la gestion de fonds considérables et de données multiples cruciales pour leur bilan. Ainsi, une gouvernance adaptée et des systèmes d’information robustes sont nécessaires pour répondre aux impératifs réglementaires stricts, exigeant un enregistrement exhaustif et une traçabilité sécurisée des opérations.
Fondées sur la mutualisation des risques, les activités assurantielles visent une appréhension homogène des risques afin d’éviter tout écart significatif entre les charges de sinistres réelles et attendues.
En matière d’évaluation, la comptabilité des assurances diffère de celle des dépôts bancaires. Les primes d’assurance sont enregistrées en produits, bien que certains contrats financiers puissent afficher la prime directement au passif du bilan. L’entrée en vigueur de l’IFRS 17 à partir de 2023 entraînera des transformations substantielles dans l’évaluation et la comptabilisation des contrats d’assurance.
B) Assurance à long terme
Dans le domaine de l’assurance à long et moyen terme, la temporalité entre la souscription des contrats et la réalisation des prestations engendre deux conséquences majeures :
- Premièrement, la gestion de capitaux conséquents, où les produits financiers (intérêts, dividendes, plus-values) jouent un rôle pivot dans l’équilibre financier.
- Deuxièmement, une incertitude élevée entoure les paramètres prévisionnels tels que la sinistralité, la mortalité, les rendements financiers et les frais de gestion.
La gestion de capitaux est intimement liée à la durée moyenne des contrats, permettant aux primes versées d’être investies en attendant le décaissement des prestations. Ainsi, sur des périodes d’investissement prolongées, les produits financiers revêtent une importance capitale pour l’équilibre financier de cette activité. Cependant, cela expose également l’assureur à des risques financiers classiques tels que le risque de taux, de liquidité et de dépréciation.
La gestion actif-passif vise à maîtriser ces risques en prenant en compte à la fois le passif (positionnement temporel des flux et mesure des rémunérations potentielles), l’actif (évaluation des rendements, choix des durées de placement) et l’harmonisation entre actif et passif.
Constatation du résultat et valeur intrinsèque
La complexité des contrats étalés sur plusieurs exercices pose un défi dans la détermination des résultats. Cette évaluation des engagements revêt une importance cruciale pour la solvabilité de l’entreprise, car elle garantit sa capacité à honorer ses engagements à tout moment.
Deux logiques comptables émergent : l’une basée sur l’évaluation des provisions techniques, déterminant le rythme de dégagement des résultats, et l’autre définissant un profil de dégagement du résultat.
Les réglementations prudentielles retardent souvent la constatation du résultat, conduisant à la notion de « valeur intrinsèque » (embedded value). Celle-ci repose sur l’actif net réévalué et les profits futurs liés au portefeuille des contrats en cours. Malgré son utilité, l’entrée en vigueur de la directive européenne Solvabilité 2 a progressivement réduit l’utilisation de l’embedded value dans l’information financière des sociétés d’assurance-vie.
C) Assurance à court et moyen terme
Les caractéristiques économiques propres aux risques à court ou moyen terme induisent d’importantes disparités, influencées par la temporalité d’apparition des sinistres et la possibilité d’événements catastrophiques.
Les distinctions sont flagrantes, prenant pour exemple le contraste entre le risque lié aux « frais de soins » et celui de la « responsabilité civile des médecins ». Le premier affiche des délais courts, une fréquence élevée et des coûts moyens relativement bas par rapport à la prime, avec une stabilité des écarts types sur les coûts moyens. À l’opposé, le second présente des délais de déclaration très longs (pouvant aller jusqu’à la prescription trentenaire), une faible fréquence, des coûts moyens élevés, des écarts types considérables sur les coûts moyens, et une incertitude juridique sur l’évolution des coûts.
Pour les risques se rapprochant du premier modèle, la société encourt peu de risques majeurs : les erreurs de tarification sont vite détectées et la sinistralité globale d’un exercice peut être plus facilement évaluée. Cependant, pour ceux s’apparentant au second exemple, une attention particulière et des mesures spécifiques sont impératives : constitution de provisions pour faire face aux déclarations tardives, mise en place d’une réassurance suffisante pour absorber les fluctuations de la charge de sinistre sans compromettre la solvabilité, utilisation d’outils de surveillance du portefeuille pour anticiper au mieux les tendances lourdes du taux de sinistralité.
Ces distinctions soulignent l’importance de différencier et de gérer les risques en fonction de leur temporalité et de leur nature spécifique dans le secteur de l’assurance à court et moyen terme.
D) Fiscalité applicable dans l’assurance
La fiscalité dans l’assurance se divise traditionnellement en deux volets : celle des produits d’assurance, touchant généralement les souscripteurs ou les assurés, et celle des organismes opérant dans le domaine.
Concernant la fiscalité des produits d’assurance :
- La taxe sur les conventions d’assurance (TCA) concerne les produits d’assurance non-vie, supportée par l’assuré mais collectée par l’assureur. En France, son assiette repose sur les sommes stipulées par le contrat pour la couverture des risques en France, avec des taux variant de 0 % à 33 %.
- Les produits d’assurance-vie et de capitalisation sont généralement exonérés de cette taxe, mais ils sont soumis à une fiscalité complexe, combinant prélèvements à la source, prélèvements sociaux et taxation spécifique en cas de décès.
Concernant la fiscalité des entreprises d’assurance :
Depuis 2012, la fiscalité des sociétés d’assurance est uniformisée, alignée sur le droit commun, mais avec des nuances pour les institutions de prévoyance et les mutuelles.
- En matière d’impôt sur les sociétés, les assureurs suivent le régime de droit commun en France, basé sur les résultats des activités exercées dans le pays.
- Les actifs et provisions des assureurs, déterminés pour préserver leur solvabilité, sont soumis à des règles fiscales spécifiques.
Lutte contre le blanchiment des capitaux et financement du terrorisme
Les entreprises d’assurances sont soumises aux réglementations de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Des principes sectoriels ont été établis pour guider ces entités dans la mise en œuvre de ces dispositifs. Le commissaire aux comptes, quant à lui, a des obligations spécifiques à respecter pour assurer la conformité de ces entreprises avec ces réglementations.
La fiscalité dans l’assurance est complexe et très réglementée, touchant tant les produits d’assurance que les entreprises opérant dans ce secteur, et implique une conformité rigoureuse aux réglementations fiscales et de lutte contre les activités illicites.
II. Règlementations
A) Sources légales et réglementaires
Les entreprises d’assurance sont régies par plusieurs directives européennes, notamment Solvabilité 2, et par des codes spécifiques, principalement le Code des assurances. La transposition de la directive Solvabilité 2 a nécessité des adaptations majeures dans la réglementation française, affectant les aspects comptables notamment.,
Formes d’exercice
En France, cinq modes d’exercice de l’activité d’assurance sont distingués :
- Sociétés commerciales d’assurance ;
- Sociétés d’assurance mutuelle ;
- Mutuelles ;
- Institutions de prévoyance ;
- Holdings d’assurance.
Chacune de ces formes a des cadres juridiques spécifiques et est soumise à des codes différents, avec des organes de gouvernance et des règles de fonctionnement propres.
Spécialisation des activités
Les organismes d’assurance se spécialisent selon les directives européennes en différentes catégories d’assurances réglementaires : assurance vie, décès, épargne ; assurance des dommages corporels comme la maladie et les accidents ; et d’autres risques. Ils peuvent être spécialisés dans une ou plusieurs de ces catégories, mais une seule société d’assurance ne peut généralement pas couvrir simultanément l’assurance des risques vie, décès, épargne et des autres risques.
B) Organes de contrôle
L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), sans personnalité morale, est rattachée à la Banque de France et bénéficie d’une autonomie financière. Sa mission principale consiste à garantir la stabilité du système financier et à protéger les clients des entités bancaires et d’assurance.
Son champ d’intervention englobe diverses institutions, notamment les banques, les assurances, les mutuelles, les institutions de prévoyance, et les entités financières sous sa supervision.
L’ACPR possède des pouvoirs étendus pour contrôler ces entités, notamment le pouvoir de contrôle sur pièces et sur place, le droit de demander des informations et des documents comptables, ainsi que celui d’infliger des sanctions disciplinaires et pécuniaires pouvant aller jusqu’à cent millions d’euros.
En résumé, l’ACPR joue un rôle crucial, veillant à la stabilité du système financier et à la protection des clients.
C) Adaptation des techniques d’audit
L’audit des activités d’assurance s’inscrit dans une démarche d’examen rigoureux qui se déploie selon les principes fondamentaux de la méthodologie d’audit. Cependant, sa spécificité réside dans la nécessité d’adopter des approches adaptées et des outils spécialisés pour appréhender les particularités de ce domaine.
Revue analytique
Au cœur de cette démarche, la revue analytique se démarque comme un outil incontournable. Pourtant, dans le contexte des activités d’assurance, une approche exhaustive de tous les engagements devient souvent irréalisable. Ainsi, la procédure adoptée se divise en trois axes majeurs :
- Compréhension des agrégats techniques et financiers
- Corrélation avec d’autres travaux effectués
- Rapprochement des provisions techniques avec les flux et stocks initiaux
Contrôle interne et audit
Certains risques spécifiques exigent une approche d’audit alignée sur un environnement de contrôle interne très structuré. C’est le cas pour les comptes impliquant un volume considérable de transactions et utilisant des systèmes informatiques complexes. Dans cette optique, les entreprises doivent maintenir une vision claire et dynamique des contrôles opérés, une traçabilité précise des événements économiques jusqu’aux états financiers, ainsi que des moyens de contrôle de la fiabilité des données critiques.
L’auditeur, après évaluation de ce dispositif, doit pouvoir s’appuyer suffisamment sur celui-ci pour garantir la qualité et la pertinence de son audit.
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Dans le domaine de l’assurance, les spécificités économiques et la gestion des risques financiers imposent une approche d’audit adaptée et rigoureuse. La revue analytique, axée sur l’évaluation des provisions techniques, demeure un pilier fondamental pour les auditeurs. Cette démarche permet de comprendre les agrégats financiers, de corréler les données et de vérifier l’adéquation des provisions avec les flux et stocks initiaux.
Parallèlement, le contrôle interne occupe une place cruciale, en réponse aux exigences réglementaires strictes. Les entreprises d’assurance doivent établir des dispositifs solides, sous la supervision des commissaires aux comptes, garantissant une gouvernance robuste et une traçabilité rigoureuse des opérations. Ces professionnels jouent un rôle essentiel en évaluant ces dispositifs, s’assurant de leur adéquation et de leur efficacité dans la préservation de la fiabilité des données financières.