La vie des sociétés commerciales est rythmée par des étapes cruciales telles que la dissolution, la liquidation, et le partage des droits sociaux. Ces processus, soumis à des régulations juridiques précises, nécessitent une vigilance particulière.
I. Les modalités de dissolution des SARL
A) Causes de dissolutions d’une SARL
- Arrivée du terme ; À l’expiration du terme prévu dans les statuts de la société, la dissolution de la SARL intervient de plein droit, conformément à l’article 1844-7, 1° du Code civil. Cependant, les associés conservent la possibilité d’éviter cette dissolution en décidant de proroger la société. L’omission de cette prorogation, suivie de la continuation de l’exploitation sans procéder à la liquidation, engendre la création d’une société de fait, régie par les dispositions statutaires de la société dissoute. Bien que dépourvue de personnalité morale, cette nouvelle entité résulte des activités postérieures à l’arrivée du terme.
- Réalisation ou extinction de l’objet social : La société est dissoute en cas de réalisation ou d’extinction de son objet social (C. civ. art. 1844-7, 2°). La réalisation de l’objet survient lorsque l’opération pour laquelle la société a été constituée est définitivement achevée, même si le terme statutaire n’est pas atteint. En revanche, l’extinction de l’objet se produit lorsque l’activité devient impossible.
La dissolution est conditionnée à l’extinction totale de l’objet social. Si celle-ci est partielle, la société subsiste.
Caractère automatique de la dissolution : La dissolution pour réalisation ou extinction de l’objet social intervient de plein droit. Les associés n’ont pas à se prononcer sur sa justification ; leur responsabilité se limite à tirer les conséquences de cette dissolution en entamant la procédure de liquidation. Une assemblée des associés peut, toutefois, décider de demander en justice la désignation d’un liquidateur en cas d’extinction de l’objet social.
Cessation d’activité de la société : La simple cessation d’activité n’entraîne pas automatiquement la dissolution, sauf si elle est motivée par la réalisation ou l’extinction de l’objet social. Les difficultés économiques temporaires, événements politiques, ou la perte temporaire du siège social ne justifient pas automatiquement la dissolution. Les associés peuvent décider de mettre la société en sommeil temporaire, sans dissolution, et reprendre l’activité ultérieurement. Cependant, l’inactivité n’exonère pas le représentant légal de ses obligations comptables et organisationnelles. La dissolution peut être décidée expressément par les associés en cas d’impasse.
En conclusion, la dissolution d’une SARL peut découler de diverses causes, mais son caractère automatique dans certaines circonstances souligne l’importance de la gestion diligente des affaires sociales par les associés et les dirigeants.
B) Dissolutions pour justes motifs
L’article 1844-7, 5° du Code civil confère aux juges le pouvoir d’apprécier si le motif évoqué justifie la dissolution de la société. Deux exemples spécifiques sont cités, à savoir l’inexécution des obligations par un associé et la mésentente entre associés, qui sont fréquemment à l’origine des décisions judiciaires en la matière.
La dissolution prononcée par le juge nécessite la constatation d’une paralysie du fonctionnement de la société. Cette condition, liée à la mésentente entre les associés, est considérée comme un élément fondamental des justes motifs. En l’absence de paralysie, même en cas de mésintelligence grave entre associés, la dissolution ne peut être prononcée (Cass. com. 19-3-2013 n° 12-15.283).
Absence de justes motifs
Certains cas ont été rejetés en raison de l’absence de paralysie du fonctionnement de la société :
- Mésentente liée au défaut d’envoi de documents et à l’absence de convocation d’un associé à plusieurs AG, sans paralysie (CA Paris 24-10-2003).
- Disparition de l’affectio societatis sans paralysie (Cass. 3e civ. 16-3-2011).
- Mise en sommeil de la société sans évidence d’une impossibilité de fonctionnement normal (Cass. com. 23-3-2010).
Existence de justes motifs
Divers cas ont conduit à la dissolution pour justes motifs en raison de l’impossibilité de s’entendre sur des points cruciaux :
- Impossibilité de remplacer le gérant démissionnaire pour raison de santé (CA Rennes 3-5-1977).
- Dissentiments profonds entre groupes d’associés égalitaires rendant impossible la prise de décision (CA Versailles 19-1-1989).
- Divergences fondamentales sur la politique d’investissement, provoquant un blocage (CA Paris 8-7-1994).
- Impossibilité de remplacer le conseil d’administration démissionnaire (CA Paris 27-6-2003).
- Manquements d’un associé, violation des statuts, entraînant une impossibilité de fonctionnement normal (CA Besançon 2-3-2004).
- Mésentente caractérisée par des poursuites disciplinaires et des manquements aux obligations (Cass. com. 21-6-2011).
- Mésentente familiale provoquant le blocage des comptes malgré la désignation d’un administrateur provisoire (Cass. com. 10-9-2013).
- Mésentente persistante entre associés conduisant à une profonde confusion et à une incapacité de prendre des décisions (Cass. 3e civ. 25-1-2018).
- Mésentente entraînant une perte d’affectio societatis et un blocage du fonctionnement de la société (Cass. 3e civ. 17-12-2020).
II. Procédures et implications liées à la cessation d’activité d’une société
A) Analyse des obligations légales et recours juridique
PUBLICITÉ ET FORMALITÉS POST-DISSOLUTION :
Lorsqu’une société cesse son activité, que ce soit par réalisation ou extinction de son objet social, une inscription modificative au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS) et au Répertoire National des Entreprises (RNE) s’impose. Cette démarche, réalisée électroniquement via le guichet unique des formalités d’entreprises, doit être effectuée par la société elle-même. À défaut de cette inscription dans les deux ans suivant la cessation, le greffier peut procéder à une radiation d’office après notification à la société par lettre recommandée AR, avec communication au ministère public (art. R 123-124, R 123-130).
Cette procédure vise à remédier aux oublis des dirigeants et assure une vigilance accrue après deux ans d’inactivité, considérés par les autorités comme une disparition de fait de la société.
Le greffier peut également procéder à une radiation d’office si, après information de la cessation d’activité, il constate que la société n’est plus à l’adresse déclarée. La société peut demander la révocation de la radiation en prouvant la régularisation. En cas de refus ou d’absence de réponse, un recours devant le juge commis à la surveillance du RCS est possible.
Le greffier informe l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) de la radiation d’office pour la radiation correspondante au RNE.
RÉUNION DE TOUS LES DROITS SOCIAUX EN UNE MAIN UNIQUE
Quand une personne détient l’intégralité des parts ou actions d’une société, que ce soit par cession ou succession, la société n’est pas dissoute automatiquement. Toutefois, toute partie concernée peut demander la dissolution si la situation n’est pas régularisée en un an (C. civ. art. 1844-5, al. 1).
Cette règle ne s’applique pas aux SARL et SAS, où l’associé unique est soumis automatiquement au régime des SARL unipersonnelles ou SAS unipersonnelles. Elle ne s’applique pas non plus si un associé a fait un apport en industrie, ou si une personne détient l’usufruit de toutes les parts ou actions (C. civ. art. 1844-5, al. 2).
En revanche, si une personne détient la nue-propriété de toutes les parts ou actions, la réunion de tous les droits sociaux en une main est effective, peu importe le nombre d’usufruitiers.
1. La régularisation peut intervenir même après un an. Le tribunal ne peut prononcer la dissolution si, au moment de statuer, la situation a été régularisée. De plus, le tribunal peut accorder un délai maximal de six mois pour cette régularisation. La société peut donc fonctionner indéfiniment avec un seul associé tant que la dissolution n’est pas prononcée.
La régularisation peut se faire par cession de droits sociaux ou augmentation de capital avec de nouveaux associés. Ces nouveaux associés ne doivent pas être de simples prête-noms. Dans le cas contraire, la régularisation serait inopérante, exposant la société à une demande en dissolution.
2. Lorsqu’une société fonctionne avec un seul associé, elle peut subsister tant que la dissolution n’est pas prononcée. L’associé unique prend toutes les décisions, modifie les statuts, mais il est conseillé de préciser qu’il agit au nom de la société. En cette situation exceptionnelle, les formalités de pluralité d’associés peuvent être assouplies, bien que leur reproduction sur le registre des délibérations soit recommandée.
Enfin, la réunion de tous les droits sociaux en une main n’implique pas automatiquement la responsabilité personnelle de l’associé unique pour les dettes sociales. La responsabilité dépend du type de société concernée et reste inchangée.
B)Régime de la dissolution
La dissolution irrégulière d’une société à responsabilité limitée (SARL) constitue une problématique juridique complexe, nécessitant une analyse approfondie des circonstances entourant cette dissolution et des conséquences qui en découlent. Le Code de commerce, énonce les conditions et les critères qui déterminent la validité d’une dissolution, tout en prévoyant des sanctions en cas de non-respect de ces dispositions.
Conditions et sanctions :
La décision de dissolution, qu’elle émane de la collectivité des associés ou de l’associé unique, doit être dépourvue d’intention frauduleuse et ne doit pas constituer un abus de droit. En cas de fraude, la nullité de la dissolution ou l’octroi de dommages-intérêts peut être prononcé. La jurisprudence offre des exemples concrets de situations considérées comme frauduleuses, notamment lorsque la dissolution est décidée précipitamment après une assignation en liquidation judiciaire, avec l’objectif d’éluder les règles des procédures collectives.
De même, la cession rapide des parts suivie d’une dissolution avec transfert universel de patrimoine à une autre entité, réalisée sans informer les créanciers sociaux, peut être considérée comme une tentative d’éviter le débat sur l’ouverture éventuelle d’une procédure collective.
La dissolution décidée après une condamnation en première instance, suivie d’opérations de liquidation rapides et de la création d’une nouvelle société dans le but de priver les créanciers de leurs droits, constitue également un motif de fraude.
Enfin, la dissolution effectuée sans avertir un créancier pendant la période estivale, avec précipitation, pour entraver la faculté d’opposition des créanciers et échapper aux dispositions des procédures collectives, peut être sanctionnée.
Exemption de fraude :
La jurisprudence a, cependant, précisé qu’une dissolution rapide sans notification à un créancier poursuivant ne caractérise pas nécessairement une fraude, notamment si la publication de la dissolution dans un support d’annonces légales est considérée comme illusoire pour informer le créancier.
Abus de majorité :
L’abus de majorité dans le cadre d’une dissolution se manifeste lorsque la décision de l’associé majoritaire va à l’encontre de l’intérêt social et vise uniquement à échapper à son engagement de racheter les parts sociales d’un associé minoritaire.
Date de la dissolution :
La date d’effet de la dissolution, lorsque décidée par les associés, correspond à celle de l’assemblée au cours de laquelle la décision a été prise. Toutefois, les associés ont la possibilité de choisir une date postérieure à celle de l’assemblée, sans rétroactivité, sauf en cas de dissolution pour fusion ou scission.
Non-rétablissement d’une société dissoute :
Une fois dissoute, une société ne peut être rétablie par la volonté des associés. Même si la dissolution n’a pas été publiée, la société perd sa capacité juridique, et pour reprendre l’activité sociale, les associés doivent constituer une nouvelle société, sous peine d’être considérés comme membres d’une société de fait.
La transformation d’une société dissoute en une société d’une autre forme n’est pas autorisée, avec des implications fiscales importantes.
Ouverture de la liquidation :
La dissolution entraîne la liquidation de la société, sauf dans des cas spécifiques tels que la réunion de toutes les parts ou actions dans le patrimoine d’une personne morale. Pendant la liquidation, la raison sociale doit comporter la mention « société en liquidation ».
Régime fiscal de la dissolution :
L’acte constatant la dissolution, s’il ne comporte aucune transmission de biens entre les associés, est dispensé d’enregistrement et peut être enregistré gratuitement s’il est présenté volontairement. Les droits applicables en cas de partage sont soumis à d’autres dispositions.
Publicité de la dissolution :
La dissolution fait l’objet de mesures de publicité habituelles, notamment l’insertion dans un support d’annonces légales et une inscription modificative au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS) et au Répertoire National des Entreprises (RNE). Des indications spécifiques doivent figurer dans ces publications, notamment la dénomination sociale, la forme de la société, le montant du capital social, l’adresse du siège social, et d’autres éléments pertinents.
Sanctions en cas d’inaccomplissement des formalités de publicité :
Tant que la dissolution n’a pas été publiée au RCS, elle ne produit aucun effet à l’égard des tiers. Les tiers peuvent cependant se prévaloir d’une dissolution non publiée dont ils auraient eu connaissance. Des sanctions sont prévues en cas de non-respect des obligations de publicité, avec la possibilité pour le président du tribunal de commerce d’enjoindre le liquidateur à publier la décision de dissolution.
La dissolution des sociétés commerciales, qu’elle découle de l’arrivée du terme, de la réalisation ou de l’extinction de l’objet social, ou des justes motifs évalués par les tribunaux, marque un point d’achèvement mais surtout, un commencement. Elle prépare le terrain pour la liquidation, phase subséquente incontournable où se règlent les affaires en suspens.
Cette transition inévitable est encadrée par des règles strictes, des formalités de publicité post-dissolution, au RCS et au RNE, et des implications significatives pour les associés. Du processus ordonné de la dissolution découle le chemin rigoureux de la liquidation, où chaque acte est scruté sous un regard juridique vigilant. La dissolution n’est pas la fin, mais plutôt le prélude à une autre étape cruciale du cycle de vie des sociétés commerciales.
Pour toute question ou assistance dans le processus de dissolution et de liquidation, n’hésitez pas à nous contacter, experts-comptables et commissaires aux comptes. Nous sommes à votre disposition pour vous guider à travers ces démarches complexes.