L’expansion des affaires à l’échelle internationale a conduit à une augmentation significative des opérations transfrontalières impliquant des sociétés étrangères opérant en France, ainsi que des sociétés françaises avec des participations étrangères. La gestion de ces entités soulève un certain nombre d’enjeux juridiques complexes, notamment la reconnaissance de la personnalité morale des sociétés étrangères en France, le transfert du siège d’une société étrangère sur le territoire français, et la réglementation des investissements étrangers dans le pays.
La reconnaissance en France de la personnalité morale des sociétés étrangères
Contexte juridique : Lorsqu’une société étrangère souhaite développer ses activités en France, il est essentiel de déterminer si elle sera reconnue en tant que personne morale, ce qui lui permettra d’opérer légalement dans le pays.
Procédure de reconnaissance : La procédure de reconnaissance de la personnalité morale d’une société étrangère en France peut s’avérer complexe. Elle nécessite généralement la soumission d’un dossier complet en vue d’une immatriculation au Registre du commerce et des sociétés compétent, détaillant notamment les statuts de la société, les informations sur ses dirigeants, et son objet social. Le greffe du tribunal de commerce évaluera ensuite si les conditions requises pour la reconnaissance sont satisfaites.
Le transfert du siège d’une société étrangère en France
Société ayant son siège dans l’UE : Les sociétés ayant leur siège au sein de l’Union européenne (UE) peuvent transférer leur siège en France en se transformant, sous réserve de respecter les conditions légales du pays d’origine. La transformation transfrontalière prend effet à compter de l’immatriculation de la société au Registre du Commerce et des Sociétés (article L. 236-53 alinéa 1 du Code de commerce). Si la législation étrangère le permet, le transfert du siège en France peut se faire sans perte de personnalité morale. Cependant, une exigence peut obliger la dissolution à l’étranger et la création d’une nouvelle société en France :
- Perte de la qualité de société : Dans certaines situations, la législation du pays étranger peut prévoir que le transfert du siège social en France entraîne la perte de la qualité de société. Sauf si la société a la forme d’une SE (Societas Europaea c’est-à-dire une société européenne) ou recourt à une fusion, une scission ou un apport partiel d’actifs transfrontaliers, les associés devront dissoudre la société à l’étranger et constituer une nouvelle société en France.
Aussi, les sociétés peuvent également être soumises à des directives telles que ;
- Forme comparable de la société : Si la société a une forme comparable à une société par actions ou à une SARL et que la directive UE 2017/1132 a été transposée dans l’État d’origine, la transformation transfrontalière en une société française peut être soumise aux dispositions de cette directive. Dans ce cas, une fois que l’opération est entrée en vigueur en France, la société n’a plus la possibilité de l’annuler.
- Forme différente ou directive non transposée : Si la société a une forme différente de celles mentionnées ci-dessus ou si la directive n’a pas encore été transposée dans l’État d’origine, la législation étrangère peut autoriser le transfert du siège en France, sous certaines conditions spécifiques. Si cette législation étrangère permet à la société de conserver sa personnalité morale lors du transfert, elle relèvera du droit français une fois immatriculée au RCS, perdant ainsi son statut d’origine.
Société ayant son siège hors UE : Lorsqu’une société étrangère établie en dehors de l’Union européenne souhaite transférer son siège en France, il est nécessaire d’analyser si la législation étrangère implique un changement de nationalité de la société suite à ce transfert, et si ce changement de nationalité entraîne ou non une perte de la personnalité morale de la société. En l’absence de perte de personnalité morale, la société peut être immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés en France, à condition que sa forme d’origine soit conforme aux exigences du droit français, tout en respectant les procédures d’immatriculation. Pendant cette période d’attente, la société conserve sa personnalité morale établie à l’étranger et reconnue en France. Cette démarche nécessite une compréhension minutieuse des lois et réglementations en vigueur pour garantir un transfert de siège en toute conformité.
La réglementation des investissements étrangers en France
L’investissement étranger en France est encadré par des réglementations strictes visant à protéger les intérêts nationaux. Deux aspects essentiels de cette réglementation vont garantir la transparence et le contrôle des investissements étrangers en France ;
- L’autorisation préalable des investissements étrangers : La réglementation des investissements étrangers en France est basée sur des seuils spécifiques, tels que l’acquisition de contrôle sur des entités françaises, l’achat de branches d’activité, ou le franchissement du seuil de 25 % de détention des droits de vote. Certains secteurs sensibles nécessitent une autorisation pour les investissements étrangers, avec une réduction temporaire du seuil de 25 % à 10 % pour les sociétés cotées jusqu’au 31 décembre 2023. Des exemptions existent pour les opérations au sein du même groupe ou pour les investisseurs ayant déjà acquis le contrôle sous réserve de certaines conditions. Une compréhension approfondie de ces seuils est essentielle pour se conformer à la réglementation des investissements étrangers en France.
- La déclaration statistique des investissement étrangers : Les opérations impliquant des non-résidents acquérant ou cédant au moins 10 % du capital ou des droits de vote d’une entreprise résidente, l’acquisition ou la cession d’entreprises non-résidentes par des résidents, les transactions entre entreprises liées, et les investissements immobiliers, doivent être déclarées à la Banque de France lorsque leur valeur dépasse 15 millions d’euros. Cette déclaration doit être effectuée dans les 20 jours ouvrables suivant la date de règlement de l’investissement, et elle doit contenir les informations requises.
Il est important de noter que le non-respect de cette obligation de déclaration est passible de sanctions, y compris une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à cinq ans, une amende équivalant au double de la somme concernée par l’infraction, et éventuellement une interdiction d’exercer des activités commerciales ou une fonction publique. Il est donc essentiel de se conformer strictement à ces obligations de déclaration pour éviter de telles conséquences légales.
En conclusion, la gestion des sociétés étrangères opérant en France et des sociétés françaises à participations étrangères est un processus complexe qui exige nécessite de maîtriser notamment les questions de reconnaissance de la personnalité morale. Le recours à des experts juridiques et fiscaux peut s’avérer essentiel pour faciliter ce processus complexe.